Le Monde glorieux (The Blazing World, 1666) de Margaret Cavendish
Margaret Cavendish, duchesse de Newcastle (1623-1673), est une pionnière, philosophe et romancière,
première femme à mettre un pied à la société (scientifique) royale en 1667 et y être reçue avec les honneurs, elle est aussi considérée par ses détracteurs et détractrices nombreuses comme une « excentrique ».
Le Monde glorieux est « une utopie romanesque, rédigée en appendice à son traité philosophique Observations Upon Experimental Philosophy (Remarques sur la philosophie expérimentale) », qui se présente sous la forme d’un conte ou d’une fable. L’héroïne et son double (l’autrice elle-même) accède à un autre monde contigu au notre et en devient la reine. Ce monde est composé d’hommes-animaux dans une société hierarchisée qu’elle va remodeler à sa façon scientifique, c’est l’occasion de passer en revue tout le savoir de l’époque et aussi de s’en moquer. Elle saura aussi conquérir la Terre (en sous-marin) d’une main de fer pour y imposer la paix (avec pas mal de morts au passage).
On peut parler de premier roman de science-fiction, en tout cas d’une écriture de l’imaginaire fantastique, à l’approche ambitieuse et joyeuse associant arts et sciences. La forme du conte lui permet toutes les audaces et de ne pas craindre le baroque farfelu pour mieux répondre à ses objectifs et toucher son public, les femmes.
Romancière féministe, elle écrit en 1655 : « bien que nous fussions créées égales en nature, les hommes, dès la Création, usurpèrent la suprématie, et par un gouvernement tyrannique l’ont maintenue jusques à aujourd’hui, de sorte que nous ne puissions jamais nous libérer et soyons toujours plus asservies, en nous traitant comme des enfants, des fous ou des sujets, c’est-à-dire nous flattant ou nous menaçant tour à tour pour nous amener par la force ou à la douceur à obéir (…) Cet asservissement a si fort pesé sur nos esprits que nous sommes devenues stupides au point que les animaux nous sont à peine inférieurs et que les hommes nous traitent à peine un peu mieux qu’ils ne traitent les bêtes. »
« Longtemps oubliée, l’œuvre de Margaret Cavendish, une femme qui se mêlait de philosophie et de sciences – une extravagance pour son époque – a connu un regain d’intérêt, et son Monde glorieux, curiosité philosophie et fantaisiste, fait encore sensation. »
F.Roussel, 18/06/24, Libération
Il en résulte un roman, avec ses codes narratifs de l’époque, étonnamment moderne, engagé et précurseur.
(traduction de Line Cottegnies)
https://www.jose-corti.fr/titres/monde-glorieux.html